A la faveur de discussions récentes avec des PME et ETI, en particulier industrielles, une question, pourtant classique, est réapparue dans les échanges : comment une Startup peut-elle rester « si longtemps » déficitaire ? Alors que « nous », nous ne pouvons pas nous le permettre ?…
Cette question semble d’autant plus légitime que lorsque l’on regarde rapidement ce que l’on nomme une « Startup », souvent elle ressemble à une PME « classique », si ce n’est qu’elle travaille sur un produit lié au Digital. Mais cette légère spécificité ne semble pas, de prime abord, justifier en soi « l’autorisation » de pertes financières récurrentes.
Sauf si, peut-être, l’on identifie une autre spécificité attendue des Startups : une offre avec un « switching cost » très élevé.
Le switching cost est le coût de substitution : c’est-à-dire ce que coûte, d’un point de vue monétaire, temps, efforts… le fait de changer de fournisseur.
Si l’on fait donc l’hypothèse qu’une Start-up, développant une offre digitale ou technologique, réussit à construire une offre avec un switching cost très élevé, alors ses clients deviennent « captifs », et la monétisation rentable future devient probable : faible coût d’entretien de la relation client, proposition d’offres et services complémentaires à fortes marges, etc…
Dans ce cas, cela peut justifier la priorité donnée à l’acquisition clients, puisqu’un client qui n’est pas gagné par cette Startup risque d’être gagné par une autre, et devenir alors « incapturable », du fait de ces switching costs élevés.
Et pour permettre cette acquisition clients agressive, il faut que les partenaires financiers acceptent que l’entreprise soit en perte pendant cette phase d’acquisition, et d’attendre une phase ultérieure du marché, qui sera alors « équipé », pour que l’entreprise puisse devenir bénéficiaire.
Ceci explique les points clés observés par les investisseurs VC dans les Startups :
- la taille du marché ;
- le niveau et la croissance du MRR, c’est-à-dire du revenu récurrent mensuel, proxy « collectable » de l’acquisition client ;
- le niveau et l’évolution du « churn », c’est-à-dire le taux de perte de clients, proxy « collectable » du switching cost.
Pour finir ce court éclairage, ajoutons une dernière remarque.
Bien entendu, il ne suffit pas de proposer un modèle de revenus par « abonnement mensuel » pour avoir atteint cette situation de « switching cost » élevé. Mais le mimétisme et les forces de dérive sont grands, et les modèles SaaS se sont « logiquement » répandus de façon en partie excessive. D’autant plus que beaucoup ont perdu de vue que ces caractéristiques visibles de l’extérieur n’étaient qu’un proxy pour l’atteinte d’un avantage stratégique : une offre à switching cost élevé.
[Credit photo : Neom]